10 juillet 2019 – Le décret 2019-678 du 28 juin 2019 sur les actes exclusifs des infirmières de bloc opératoire diplômées d’État (IBODE)

IBODE Hôpital formation

Les IBODE ont des actes exclusifs qui sont prévus (aide à l’exposition, hémostase et aspiration) une fois le diplôme d’IBODE obtenu.

Dans le privé, ils ont de très nombreux infirmiers faisant fonction d’IBODE. Dans le public, il y a peu de faisant fonction, le travail en matière de formation a été globalement réalisé.

Comme la formation était obligatoire, la FHP (Fédération de l’Hospitalisation Privée) tout particulièrement avait négocié une dérogation en argumentant que si les cliniques devaient envoyer tous leurs faisant fonction d’IBODE en formation, elles ne pourraient plus faire d’activité dans les blocs. Elles ont dit qu’elles ne pouvaient le faire que petit à petit. D’où la nécessité d’avoir une dérogation afin qu’elles puissent envoyer leurs infirmiers en formation. elles avaient négocié deux ans, mais ils n’ont pas fait le travail de formation. Ainsi, juste avant la fin de la dérogation, elles ont mis la pression au ministère pour qu’il sorte un décret en précisant qu’au bout d’un certain nombre d’année d’expérience, les faisant fonction pourraient passer un concours très très « light » pour devenir IBODE. Lors des instances du HCCP (Haut Conseil des Professions Paramédicales) du mois dernier, quasiment tout le monde a refusé, car cela a simplement été considéré comme un moyen de contourner la loi. Il y a une loi qui règlemente les professions, et comme elle ne plait pas aux cliniques privées alors, il faudrait leur donner le moyen de la contourner, en la changeant. Il s’agit d’un mépris des formations des IBODE, une manière de vouloir officialiser les glissements de tâches.

Le ministère était plutôt d’accord pour mettre en place le décret demandé par les cliniques privées. Mais devant le tollé général à la quasi unanimité, le Ministère a publié un décret le 28 juin 2019 pour mettre en place un dispositif transitoire, sans vraiment tranché mais tout en évitant de se mettre à dos le privé lucratif.

Ainsi, l’infirmière (non IBODE) qui exerce au bloc opératoire « depuis une durée au moins égale à un an en équivalent temps plein » au 30 juin 2019, et apporte régulièrement une aide à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration, pourra continuer cette activité sous réserve de s’inscrire à une épreuve de vérification des connaissances (avant le 31 octobre 2019) et de la valider. Un jury décidera ensuite si elle peut continuer à exercer au bloc ou non, ou si l’infirmière doit se former.

A noter que l’ancienneté au sein du bloc, initialement fixée à deux ans dans le projet de décret, a été abaissée d’une année comme le demandait la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP).

Référence :
Décret n° 2019-678 du 28 juin 2019 relatif aux conditions de réalisation de certains actes professionnels en bloc opératoire par les infirmiers et portant report d’entrée en vigueur de dispositions transitoires sur les infirmiers de bloc opératoire

POUR CONSULTER LE DECRET : CLIQUER ICI

7 juillet 2019 – Revue de presse du jour : entre rationalisation et rigolade

Rationaliser et robotiser les soignants

En regardant la presse ce matin, nous sommes tombés sur deux articles concernant notre secteur d’activité, la santé, qui nous ont interpellé.

Le premier, c’est l’interview dans HPI (Haute Provence Info) sur deux grandes pages du nouveau directeur de l’hôpital de Manosque, qui est en train de prendre le contrôle de l’ensemble des hôpitaux et EHPAD du département du 04 par le biais d’extension de directions communes ou de processus de fusion pour le sud du département.

Il explique qu’il met en place une politique de rationalisation et de mutualisation dans l’objectif de donner plus de moyens, plus d’effectifs, plus de qualité de la prise en charge. Donc, ce serait unique en France, nous serions le seul territoire où en rationalisant on va vers du mieux. Partout la situation se dégrade en appliquant cette politique : on perd des effectifs, les conditions de travail se dégradent, les burn out explosent, la prise en charge des patients et des résidents se détériorent fortement… Mais dans le 04, c’est tout le contraire qui se produirait. Nous sommes impressionnés d’avoir une direction d’un tel niveau dans notre département ! Nous suivrons étape par étape l’évolution en termes de structures, d’effectifs, de conditions de travail et de prise en charge ! C’est d’un niveau un peu trop élevé pour nous, c’est comme quand M. Macron nous explique que c’est en enlevant des droits aux travailleurs qu’on leur apporte plus de sécurité. Ou quand M. Philippe nous explique que c’est en supprimant les petites gares qu’on améliore l’accès aux trains. Désolé, mais nous n’avons pas fait l’ENA, nous décrochons rapidement durant ce genre de raisonnement.

Ensuite, un second article sur un thème différent mais pour lequel on peut trouver de nombreux liens, c’est « Rigolez, vous êtes exploité » paru dans Le Monde Diplomatique. On y trouve une expérience réalisée par la direction du CHU de Toulouse. Au CHU, il y a de plus en plus de mal être, d’arrêt maladie et de suicides. Pour le mettre en lien avec l’article précédent de HPI, celui du Monde Diplomatique nous explique que la direction du CHU est adepte d’une politique de la rationalisation, le « Lean Management », inspirée de l’industrie automobile, où l’objectif est de « faire produire plus avec moins de personnels quitte à pousser les équipes à bout »… avec des personnels « qui préfèrent mettre fin à leurs jours plutôt qu’endurer leur activité professionnelle ». Donc à Toulouse, ils sont en avance sur le 04 sur cette politique de rationalisation puisque cela fait de nombreuses années qu’elle a été mise en place. Et pour faire face à cette situation intenable, la direction n’a pas opté pour des effectifs supplémentaires, mais a décidé de mettre en place des ateliers de rigolade en développant la pensée positive. Dans l’article, ils expliquent que la direction a mis cela en place pour réduire le nombre de suicide, pour que les gens se sentent mieux (donc iront moins voir ailleurs), mais également pour être plus productif.

A la fois, on peut se dire c’est très malsain et très méprisant envers les agents, mais en même temps cela va beaucoup plus loin puisqu’en plus de donner l’illusion d’améliorer la situation par le biais des ateliers de rigolade, ils veulent en profiter pour renforcer la politique de rationalisation en augmentant encore plus la productivité, et en intensifiant encore plus le travail.

Dans l’article, il est expliqué que la direction du CHU de Toulouse a raccroché au nez des journalistes… Apparemment, ils n’ont pas trop le sens de la rigolage… Un atelier s’imposerait peut être ?

Voilà ce sont deux exemples vus dans la presse ce matin et qui donnent un aperçu de la situation actuelle dans les hôpitaux. D’un côté, nous avons la mise en place d’une politique de la rationalisation (par le biais d’un langage convenu, d’une novlangue visant à dénaturer la réalité), et d’un autre côté, nous avons un exemple de la manière dont se gèrent ensuite les conséquences de cette politique.